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Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

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jeudi 28 février 2008

La seconde guerre mondiale en chansons (françaises) 1.


Hitler pose devant la tour Eiffel, juin 1940.


La chanson française de la seconde moitié du XXème siècle s'est intéressée à de nombreuses reprises à la "France des années noires". Revenons ici sur quelques titres connus qui évoquent différents aspects du conflit et donnent aussi à voir les représentations que l'on s'en ait fait longtemps après les faits. Ce premier volet s'intéresse aux années de guerre:

* La défaite et l'arrivée des Allemands:

- Serge Reggiani: "Les loups".

Les loups chantés ici par Reggiani ne sont autres que les troupes allemandes qui pénètrent dans Paris le 14 juin 1940 (il ne quitteront la ville qu'en août 1944). Pendant quatre ans, les troupes d'occupation vivent sur le pays et administrent directement la Ville Lumière.

Les loups ououh! ououououh! / Les loups ont envahi Paris / Soit par Issy, soit par Ivry / Les loups ont envahi Paris [...]

Attirés par l'odeur du sang / Il en vint des mille et des cents
Faire carouss', liesse et bombance / Dans ce foutu pays de France
Jusqu'à c'que les hommes aient retrouvé / L'amour et la fraternité.... alors

Les loups ououh! ououououh! / Les loups sont sortis de Paris
Soit par Issy, soit par Ivry / Les loups sont sortis de Paris
Tu peux sourire, charmante Elvire/ Les loups sont sortis de Paris
J'aime ton rire, charmante Elvire / Les loups sont sortis de Paris...

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* Le régime de Vichy et le culte de la personnalité autour de la figure du maréchal Pétain.



- "Maréchal nous voilà!"

" Maréchal, nous voilà! / devant toi le sauveur de la France,
nous jurons, nous, tes gars / de servir et de suivre tes pas."

Traumatisée par la plus grande défaite de son histoire, la France, après avoir signé l'armistice le 22 juin 1940, s'en remet aux mains du vainqueur de Verdun, le maréchal Pétain. Ce veillard rassure la population et il bénéficie d'une très grande popularité tout au long du conflit. Devenu le chef de l'Etat français, il engage le pays dans une politique de collaboration avec l'Allemagne nazie et met en place un régime autoritaire dont la devise "travail, famille, patrie" remplace la trilogie républicaine "liberté, égalité, fraternité".
Cette chanson fait presque figure d'hymne officiel du régime de Vichy. Cette bluette célèbre de manière particulièrement niaise les mérites du chef vénéré.

* Le régime de Vichy fustige l'esprit de jouissance, qui expliquerait d'après Pétain, la défaite de 1940 (oubliant un peu vite que la stratégie défensive adoptée par l'état-major a pesé bien peu face à la "guerre-éclair" de l'adversaire). La société française doit donc se plier au conformisme vichyste. Rares sont ceux qui remettent en cause cet état de fait. Néanmoins, quelques jeunes adoptent la mode zazoue.


Un jeune zazou sur le point d'être tondu par un milicien.

Adeptes du swing, les garçons optent pour les cheveux longs, les pantalons larges, les filles arborent des jupes courtes. Ils résistent ainsi, à leur manière, à l'emprise culturelle vichyste et son "oeuvre de redressement national". La milice traque bientôt cette jeunesse qui ne rentre pas dans le moule. Les garçons sont rasés, certains sont même envoyés au STO.
L'Oeuvre, journal collaborationniste affirme, péremptoire, en 1942:
" Etre swing, c'est ne prendre aucune chose au sérieux, ne rien faire comme les autres [...], être immoral".

- Brigitte Fontaine:"Zazou".
Brigitte Fontaine reprend ici de manière irrésistible un vieux titre de 1943.

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* Rares sont les chansons qui reviennent sur la déportation.




Déportés rescapés du camp de Buchenwald, en avril 1945.

- Jean Ferrat:"Nuit et brouillard".

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

Avec ce titre enregistré en 1963, Jean Ferrat évoque une des pages les plus sombres de la Seconde guerre mondiale puisqu'il décrit ici la déportation vers les camps de concentration (ou d'extermination). Ici, les paroles ne permettent pas de distinguer "déportés politiques", "déportés raciaux" ou autres. Jusqu'aux années 1970, en effet, la spécificité de la Shoah n'est pas vraiment perçue et les camps d'extermination souvent confondus avec les camps de concentration.

Le titre de la chanson fait référence au décret pris par les nazis qui vise à éliminer tous ceux qui constituent un danger pour l'Allemagne hitlérienne. L'identité des victimes de cette traque doit être effacée, d'où la référence à l'obscurité qui doit envelopper les individus éliminés, destinés à sombrer dans l'oubli.

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* Quelques chansons célèbrent "l'armée des ombres".


Poste-radio de résistants.

- La tordue: "la rose et le réséda".

Quand les blés sont sous la grêle / Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles / Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel/ Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle / La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle / L'autre tombe qui mourra

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La Rose et le Réséda est un poème de Louis Aragon, publié en décembre 1944 au sein du recueil "La Diane Française", dont le thème est la résistance sous l'Occupation. Il ajoute alors une dédicace à quatre résistants : Guy Môquet, Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves et Gilbert Dru, soit deux communistes (la rose) et deux chrétiens (le réséda). En effet, à traver ce titre, Aragon célèbre la diversité des résistants, tous mus par une même volonté: restaurer la liberté.




Anna Marly.

- Anna Marly: "Le chant des partisans".

Le Chant des partisans est l'hymne de la Résistance française durant l'occupation allemande, pendant la Seconde Guerre mondiale. Joseph Kessel et son neveu, Maurice Druon, ont quitté la France pour rejoindre l'Angleterre et les Forces françaises libres du Général de Gaulle. A partir d'une ébauche de chanson d'Anna Marly, ils récrivirent les paroles très rapidement. Aussitôt le chant remporte l'adhésion de l'auditoire.

L'engagement résistant y est magnifié. Les auteurs soulignent avec justesse à quel point le choix de la lutte est lourd de conséquence, la mort étant souvent au bout des combats.

Ami, entends-tu le vol des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne,
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme
Ce soir, l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite.
Ohé saboteur, attention à ton fardeau dynamite...

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-Leonard Cohen:"the partisan" (1969).


Leonard Cohen.

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Cette chanson interprétée par Leonard Cohen est une adaptation de la "COMPLAINTE DU PARTISAN", écrite à Londres en 1943 par Emmanuel d'Astier de la Vigerie (surnommé "Bernard" dans l'armée des ombres") et Anna Marly pour la musique.
La version de Cohen date de 1969 et figure sur l'exceptionnel album "Songs from a room". Il intitule son titre "the partisan", parfois appelé aussi "the song of the french partisan". Il mêle ici la version anglophone de Hy Zaret à quelques vers originaux, chantés directement en français.

J'ai changé cent fois de nom / J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis / J'ai la France entiere.
Un vieil homme dans un grenier / Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris / Il est mort sans surprise.

Oh, the wind, the wind is blowing / Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come / Then we'll come from the shadows."


- "L'affiche rouge".



L'Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée à Paris au printemps 1944, pendant l'occupation nazie. Elle fut tirée à 15 000 exemplaires. Le réseau Manouchian était constitué de 23 résistants communistes, dont 20 sont étrangers (des espagnols, des Italiens antifascistes, des Arméniens, des Juifs ayant échappé à la rafle du Vel'd'Hiv' de 1942. Le chef du réseau, l'Arménien Missak Manouchian faisait partie des mouvements de Résistance communiste et était le responsable des FTP MOI (Francs-tireurs et partisans - Main d'œuvre immigrée) de la région parisienne.

Arrêtés par les nazis, les 22 hommes seront fusillés le 21 février 1944 au Mont Valérien, tandis qu'Olga Bancic sera guillotinée le 10 mai de la même année à Stuttgart, une loi française interdisant alors de fusiller les femmes.

En recouvrant les murs de France de cette affiche, les Allemands stigmatisent l'origine étrangère de la majorité des membres du groupe.

Louis Aragon écrivit en 1955 un poème, "Strophes pour se souvenir", qui a été mis en musique en 1959 par Léo Ferré.

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes / Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

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Source principale:

- P. et J.P. Saka (dir):"L'histoire de France en chansons", Larousse, 2004.

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